ESPACE CONTRAINT / SUJET LIBRE,
UNE IMAGE / UN SON

PATRICE SOLETTI ET 28 ARTISTES PLASTICIEN-NES

MAZETOSQUARE/PAHLM, LIVRE 72 PAGES + CD – 2020

DISTRIBUTION :
MAZETO-SQUARE.COM,
PLACEDESLIBRAIRES.FR 
LESLIBRAIRES.FR

À l’origine, il s’agit d’un projet d’exposition porté par l’association PAHLM (Pratiques Artistiques Hors Les Murs), projet conçu pendant le confi- nement, le premier, et puis exposition réunis- sant 28 artistes d’Occita- nie et d’ailleurs dans l’espace public, à Cazères-sur-Garonne en juillet/ août, puis à Martres-Tolosane en septembre/ octobre 2020. Dans la ville : 37 images visibles derrière les vitrines des magasins, vides ou en activité, sur les murs, sur les panneaux électo- raux. Et pour chaque proposition visuelle, une composition spécifique de Patrice Soletti était audible via un QR code…

Il y a des éditeurs de disques qui pour vendre des disques font des vinyles, souvent parce que c’est une petite niche commerciale. Je ne comprends d’ailleurs pas toujours l’intérêt de l’écoute, car le positionnement des morceaux sur les faces n’est souvent plus pensé en fonction de ce support aux contraintes spécifiques. Ma- zetoSquare, lui, édite des objets singuliers : ici, un livre-disque. Un vrai grand livre (30×22), en couleur, présentant 29 de ces images, et un CD réunissant autant de pièces de Patrice Soletti.

On peut donc découvrir 29 images (photographie, dessin au crayon, mine de plomb, encre de chine, graphite, poudre de fer aimantée ou aquarelle, acrylique, huile) de 28 artistes (17 femmes + 11 hommes). Cet objet, c’est en fait le catalogue de l’exposition. Mais sa particularité, c’est qu’on n’en tourne pas la page trop vite : on s’attarde à la regarder, le temps du morceau. Parfois, il faut le tourner le livre d’un quart de tour, comme un format italien relié par le haut. On touche l’objet, on le manipule. C’est alors aussi un peu comme un livre sonore d’enfant, et on retrouve ce plaisir-là, enfoui, de tourner les pages et de rester sur l’image, les oreilles grandes ouvertes.

Sur ce livre-CD, on retrouve 29 images, et donc 29 morceaux, courts : entre une et deux minutes. Pendant le confinement du printemps, Patrice Soletti s’est déplacé à Cazères-sur- Garonne et s’est enfermé dans une pièce pour 15 jours de solitude, avec comme compagnons un ordinateur, sa guitare Gibson SG, quelques pédales, un synthé Polymoog et quelques objets. Le 1er jour, il découvre les images, et note des pistes d’idées ; et les 14 jours suivants, il les passe en duo avec chacune des images. Il joue, il compose à partir de ce que les images lui inspirent, cherchant une correspondance, un lien audible avec l’image – et il réalise ces 29 morceaux.

Patrice Soletti est un brillant guitariste montpelliérain. Alors oui, de la guitare, on en entend, et dans des styles, des modes de jeu et sonorités très variées. Il saute d’un style à l’autre avec une aisance phénoménale, à l’image de… l’hétéroclisme des propositions plastiques présentées. Comme autant de clins d’œil délicats aux musiques qu’il a écoutées, jouées, il flirte avec une certaine pop, le jazz- rock, l’impro libre façon Barre Phillips, l’électro et même le style malgache – le tout revisité alla Solet’, évidemment. Dans les morceaux plus électro-acousmatiques, il manipule des voix de façon naïve, avec un certain humour, allant parfois jusqu’à une forte dose d’ironie. Patrice Soletti, improvisateur libre, aime par- dessus tout la rencontre musicale et humaine avec d’autres musiciens, mais cette fois-ci, seul Henri Herteman est venu en voisin pour faire des parties de trombone sur une valse que l’on aimerait retrouver dans un bal déjanté…

Reste la question complexe de savoir où le ranger, cet objet. Avec les CD ? Il ne rentre pas dans l’étagère, il est trop grand. Avec les beaux livres ? Mais pensera-t-on à écouter le CD ? Finalement, il risque de rester longtemps sur la table. Et donc d’être repris régulièrement pour en apprécier quelques pages, et quelques plages.  J-Kristoff CAMPS

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